L’intention est bonne et même louable: offrir des ordinateurs portables aux étudiants. Une denrée encore inaccessible pour de nombreuses familles et pourtant cardinale dans la formation des élèves et étudiants aujourd’hui.
L’annonce a été faite en juillet 2016 par le gouvernement camerounais et 500.000 laptops devraient à terme être distribués aux heureux élus.
Sauf que, comme il fallait s’y attendre, cette affaire nous offre déjà son lot d’incongruités.
Passons sur le fait que ces ordinateurs, importés de Chine, auraient pu être montés sur place, au Cameroun. Passons sur le fait que, comme pour n’importe quoi, on doit remercier la magnagnimité du président. Passons sur les arrière-pensées politiques attribuées à cet acte quand même hors du commun. Les dessous du montage financier derrière cette affaire sont bien entendus compliqués, mais il s’agirait en fait d’un prêt de 75 milliards F CFA (114,5 millions €) contracté auprès du gouvernement chinois, qui seront bien entendus reboursés de la poche président, qui fait gracieusement ce don aux étudiants. Je rigole, bien évidemment.
Chaque Camerounais, vivant et futur, sera mis à contribution pour le remboursement de cette dette.
Un article explique comment ce qui au départ était un projet d’interconnexion des universités publiques camerounaises s’est transformé en “dons” d’ordinateurs aux étudiants. Un geste présidentiel salué avec vigueur par les étudiants de l’Institut Africain d’Informatique de Yaoundé, une école qui forme l’élite de l’informatique du pays. Lesquels étudiants doivent aujourd’hui tomber des nues avec l’arrivée le 22 décembre 2017 du premier lot de 40.000 appareils.
Parce que les spécifications de ces machines ont de quoi laisser interrogateur. Diagonale d’écran de 10 pouces (la même qu’une tablette). 1.77 GHz de fréquence d’horloge, 2Go de mémoire (équivalent à un smartphone de gamme moyenne actuel), avec Windows 10 dans sa version 64 bits installée. Pour terminer, une capacité de disque dur de 30 gigaoctets, quand on sait qu’aujourd’hui la plupart des PC sont vendus avec une ROM minimale de 256 gigaoctets. Un terminal à la limite du correct pour les les usages actuels.
Les critiques n’ont pas tardé à fuser. Avant même que ces appareils n’aient foulé le sol camerounais, leur estampille (voir image en en-tête) posait question. “PBHev” était écrit sur la coque. Certains ont vite fait de deviner que PB voulait dire Paul Biya, du nom du président du Cameroun. Ce que ne s’est pas empêché de confirmer par la suite le ministre de l’enseignement supérieur, visiblement tout fier de le dire dans un exercice de cirage de pompes assez gênant.
Puis, est venue cette explication, disons-le, grotesque du directeur des systèmes d’information du ministère de l’enseignement supérieur:
Ces ordinateurs sont dotés de disques SSD qui sont ultra-rapides. C’est des disques SSD de 32 Go. Initialement quand on va voir ça on va dire que 32 Go c’est petit. Avec cette technologie, 32 Go ça fait 500Go dans l’ancienne technologie.
L’ancienne technologie? Laquelle? Comment est-ce possible? 32 gigaoctects actuels équivalent à 500 gigaoctets anciens? Est-ce de la monnaie? Et même, au lieu de connaître une inflation, on constaterait plutôt de la déflation? WTF is this?
Autre problème: le prix de ces ordinateurs. Qui reviennent chacun, selon le ministre de l’enseignement supérieur, à 300.000 FCFA (460€). Quand on sait qu’un ordinateur équivalent est vendu à moins de 200.000 FCFA (305€) (ici chez un marchant local). Ne s’est-on pas, encore une fois, fait carotter par nos chers amis Chinois? Lesquels nous ont vendu en 2012 deux avions à 20 milliards FCFA (30 millions €)pièce alors qu’ils avaient livré le même type d’appareil au Congo à 7 millards FCFA (11 millions €) l’unité…
Mon sentiment personnel et que nous allons au-devant d’un futur scandale. Car il faudrait que l’entièreté de la commande des 500.000 ordinateurs arrive au Cameroun et qu’ils soient effectivement distribués aux étudiants, au lieu d’être détournés. Ce qui est un doux rêve pour qui, un tant soit peu, sait comment fonctionne le Cameroun.