Je l’ai toujours dit, à qui voulait l’entendre, qui si, comme Robinson Crusoé, je devais me retrouver seul sur une île, je choisirais de m’y échouer avec un poste de radio.
La radio a été le premier média d’information automatisé de masse. A l’époque où elle a vu le jour, appuyer sur un bouton et entendre une voix, quoique grésillante, provenant de loin, était un véritable révolution. Nous de la génération Y, sommes les derniers mohicans, la dernière qui s’est abreuvée à ce média, qui rythmait chacune de nos vies.
Chère radio
Le matin, à six heures, c’était l’ouverture des antennes, avec l’hymne national. Il fallait se réveiller et se préparer pour l’école. Si tu entendais le générique du journal des sports à 7h15, alors, tu allais arriver en retard. Il y avait cette chanson marquant la fin de la session d’information de la mi-journée qui te signalait qu’il fallait repartir à l’école. Il y avait ces voix, qu’on était content d’écouter, parce que si on parvenait à les entendre, alors on était en vacances ou alors parce que pour une raison ou pour une autre, nous n’étions pas partis à l’école un jour de semaine.
Je me rappelle très bien de mon premier poste radio, offerte par mon père. Un transistor de la marque Grundig, de couleur marron. Un tacot allemand d’un autre âge. Je me rappelle aussi avoir pleuré toutes les larmes de mon corps le jour où elle est tombée en panne. Je me rappelle de la deuxième, qui comprenait un lecteur de cassettes…
Elle a un effet apaisant. La radio, pour moi, n’a jamais été pour écouter la musique. La radio, c’est pour entendre des voix, qui parlent, qui racontent des histoires proches ou lointaines, qui disent l’actualité. Ces voix qui, pour faire des mises en contexte, déploient des trésors d’inventivité et de narration. Ces voix, qui sont l’objet de tous les fantasmes, le jeu le plus grisant étant de deviner les traits physiques en fonction du timbre vocal, de la diction, de l’accent. Ces voix nasillardes et grelottantes qui arrivaient puis repartaient en ondes courtes ou en ondes moyennes. Au gré des humeurs de l’ionosphère, un transistor était capable de capter un signal émis à des milliers de kilomètres, ou alors de ne rien capter du tout. Puis ces voix se sont éclaircies et sont devenues continues avec la modulation de fréquence…
J’ai un rapport viscéral avec ce média. Quand je me suis retrouvé du jour au lendemain dans un autre pays, je me souviens que le premier objet que j’ai acquis fut un poste radio. Les voix, inconnues jusqu’alors, rendaient les nuits froides moins solitaires.
Menace de disparition(?)
La télévision, qui était déjà dans les foyers, a fait beaucoup de malquand l‘image par satellite est sortie de sa niche pour devenir un bien de consommation grand public, dans la deuxième partie des années 1990. Les programmes ne débutaient plus seulement à 18 heures, mais étaient disponibles à toute heure du jour ou de la nuit. Internet a un peu plus creusé la tombe de la radio, avec la prolifération des ordinateurs, puis des terminaux portables.
Il n’est pas rare aujourd’hui de provoquer des gausseries quand on dit encore écouter la radio. Personnellement, ça m’est arrivé plusieurs fois.
Merci Internet
Mais Internet a peut-être involontairement redonné un second souffle à la radiodiffusion. Mon poste prend de la poussière. Je ne dépends pratiquement plus des ondes hertziennes pour m’adonner à mon plaisir d’écoute. Une application installée sur un smartphone (TuneIn donne accès à un catalogue de plus de 120000 stations de radio traditionnelles et webradios) ou sur un ordinateur ouvre les portes à toutes sortes de radios, émettant de partout dans le monde, diffusant des programmes d’une grande diversité et dans des langues inconnues. Les podcasts permettent de réécouter les émissions favorites ou de les écouter si on a manqué la diffusion en direct.
Comme souvent, Internet fait du neuf avec du vieux. Et même, l’améliore.