Depuis deux semaines, l’affaire ne retombe pas. Lors de la cérémonie de la présentation des voeux au palais présidentiel ce jeudi 4 janvier 2017, le président a, volontairement ou non, rajouté une pièce dans le jukebox en snobant le ministre de l’enseignement supérieur.
Les ragots sont repartis de plus belle: la gestion de cette histoire d’ordinateurs n’aurait pas plu au chef et il l’aurait ainsi fait savoir.
Parce que depuis, la fameuse sortie du professeur Roger Atsa Etoundi, le directeur des systèmes d’information du ministère de l’enseignement supérieur du Cameroun et par ailleurs enseignant en informatique des Universités du Cameroun, n’a cessé de faire couler de l’encre, de la salive et de consommer du mégaoctet.
“Initialement, quand on va voir ça, on va dire que 32 gigas c’est petit. Mais, avec cette technologie, 32 gigas, ça fait 500 gigas dans l’ancienne technologie…” Ces deux phrases qui ont provoqué un profond chaos sur les réseaux sociaux et même en dehors.
L’histoire du stockage informatique
Le tout premier disque dur, le RAMAC 305 (Random Access Memory of Accounting and Control), dont le volume était de 5 mégaoctets, fut inventé par Herman Hollerith en 1956. En 2015, la société Seagate mettait sur le marché un disque dur de 10 téraoctets.
En 1967, la disquette, d’une capacité initiale de 80 kilo-octets, fut le premier support amovible commercialisé. La disquette ZIP, inventée par l’entreprise Ioméga en 1994 pouvait, elle, contenir jusqu’à 700 mégaoctets de données.
Entre-temps, en 1979, le CD-ROM voyait le jour, avec une capacité de 700 mégaoctets dès le départ. Puis ont suivi le DVD (de 4,7 à 17 gigaoctets) et le Blu-Ray en 2007(de 25 à 200 gigaoctets de capacité).
En 1980, la mémoire flash est inventée. C’est elle qui équipe la plupart des appareils informatiques mobiles actuels (les smartphones, appareils photos, dictaphones…) et qui sert de base aux clés USB, cartes-mémoire (SD et Micro SD) dont les capacités peuvent aller jusqu’à 2 téraoctets. Le SSD (volume jusqu’à 16 téraoctets), qui ambitionne de prendre la place du disque dur dans les ordinateurs, est un dérivé du SD, étant aussi basé sur la mémoire flash.
La dématérialisation (le stockage de données sur les serveurs géographiquement distants) a décollé avec la démocratisation de l’Internet. Ce qui aux premières heures du Réseau se limitait au stockage des identifiants et des données des boîtes e-mails est devenu aujourd’hui capable de contenir toute la vie numérique d’un individu. La taille allouée dépend des fournisseurs et des offres (de 5 gigaoctects offerts gratuitement par Google aux 1 téraoctets par abonnement chez Microsoft). Le “Cloud”, comme on l’appelle, repose sur de vastes fermes de serveurs physiques répartis dans le monde entier.
Visite guidée d’un datacenter de l’entreprise Google
HDD vs SSD?
Le professeur Roger Atsa, oppose — inutilement, disons-le — deux technologies, auxquelles il attribue l’épithète “ancienne” (le HDD, le disque dur) et “nouvelle” pour le SSD, laissant clairement penser que la première citée est désuète, ce qui est faux. En 2015, 469 millions de disques durs étaient vendus dans le monde entier, quand 63 millions de disques SDD étaient, eux, vendus en 2016. Du côté des professionnels, si les systèmes d’exploitation des ordinateurs tournent de plus en plus au SSD, l’unité de stockage supplémentaire reste encore le HDD, qui a l’avantage d’être beaucoup moins cher.
Du côté des performances et de la durabilité, si le SDD est plus fiable et plus rapide, le HDD reste une valeur sur laquelle on va compter pendant quelques belles années encore.
A gauche un disque HDD et à droite un disque SSD
Ancienne technologie vs Nouvelle technologie
Le professeur, en voulant justifier ses premières déclarations, s’est enlisé en tentant un audacieux parallèle avec… l’inflation(ou la dépréciation monétaire). En disant, grossomodo, que le menu (alimentaire) pour lequel il fallait débourser 1000 francs dans son enfance, coûte 5000 francs aujourd’hui.
Sauf qu’entre sa jeunesse et aujourd’hui, la monnaie a subi une, voire deux dévaluations (le FCFA ayant perdu la moitié de sa valeur à chaque fois), sans compter l’inflation naturelle. Pourtant, l’octet, comme la plupart des unités de mesure, n’a pas varié d’un iota.
Donc, quelle que soit la technologie prise en compte (flash, cloud, disque dur, CD, disquette, ZIP, Blu-Ray, DVD) 32 gigaoctets restent 32 gigaoctets, 500 gigaoctets restent 500 gigaoctets.
Quid du cloud?
On l’a expliqué, le cloud repose sur des unités de stockages HDD et SSD regroupés par centaines de milliers, voire par millions, dans des datacenters de plus en plus nombreux. Il n’est pas une nouveauté car quiconque a déjà eu accès à Internet a envoyé une requête dans le cloud et en a reçu une réponse.
La question qui se pose est celle de la pertinence de la mise à disposition du stockage distant, qui semble avoir été privilégié. Au détriment d’une allocation d’espace de stockage local, sur l’ordinateur, plus étendu. Ce qui est sans aucun doute une solution d’avenir reste un problème dans le présent. Car l’adoption du stockage sur le cloud est étroitement lié à la disponibilité de l’Internet, à sa qualité et à son coût.
Les fournisseurs d’accès à internet éprouvent encore des difficultés à assurer un service permanent, sans couacs, dans les grandes villes camerounaises. Il existe dans le même temps de nombreuses zones grises en campagne, d’où il est impossible d’avoir accès à internet (et donc à ses fichiers stockés dans le nuage).
Compte tenu du niveau de vie des étudiants, dépenser des sommes importantes pour transférer sur leur cloud ou alors pour télécharger des données d’une taille conséquente n’est pas encore à la portée de la plupart. Quand cela est en plus adossé à une connexion chancelante, l’investissement peut même s’avérer être complètement inutile.